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vincent lindon - Page 3

  • Critique "Pour Elle" de Fred Cavayé (ce soir sur Canal + décalé)

    Pour ceux qui auraient manqué "Pour elle" lors de sa sortie en salles ou hier soir sur Canal +, sachez qu'il sera diffusé ce soir, à 20H45, sur Canal + décalé. Plutôt que le désolant deuxième film du même Fred Cavayé "A bout portant", je vous recommande donc l'excellent "Pour elle".

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    Lisa (Diane Krüger) et Julien (Vincent Lindon) forment un couple heureux et amoureux, avec leur fils Oscar. Un matin, brusquement, leur vie bascule dans l’absurdité et l’horreur lorsque la police débarque chez eux pour arrêter Lisa, accusée de meurtre puis condamnée à vingt ans de prison. Julien, professeur et fils mal aimé de son état, va alors être prêt à tout pour  la faire évader.

     Jusqu’où iriez-vous par amour ? Jusqu’où sera-t-il prêt à aller pour elle ? Loin. Très loin. Au-delà des frontières. De la raison. De la légalité. Du Bien et du Mal. Plutôt que de s’appesantir sur leur vie d’avant, Frec Cavayé (d’après une idée originale du scénariste Guillaume Lemans) choisit de nous montrer deux scènes assez courtes qui suffisent pour camper un couple amoureux comme au premier jour et une Lisa, lumineuse, deux scènes qui suffisent à expliquer le tourbillon infernal dans lequel va ensuite tomber Julien.

    Si on se demande un temps pourquoi Julien ne met pas toute cette énergie à essayer de trouver la véritable coupable (Lisa serait emprisonnée à tort) plutôt qu’à la faire évader, la force du montage et la force de l’interprétation parviennent à nous le faire oublier. Voir Lisa enfermée, se laissée dépérir, s’assombrir est pour Julien insupportable. Sa rage, son sentiment d’injustice et surtout son amour pour Lisa vont transformer le tranquille professeur en criminel, vont conduire à le faire basculer dans un univers a priori très éloigné du sien, dans une violence incontrôlable.

     La caméra au plus près des visages, nous enferme avec Julien dans sa folie (on ne voit d’ailleurs presque rien de sa vie étrangère à son plan d’évasion, il n’est montré qu’une seule fois dans sa salle de classe, cette –ir-réalité n’existe plus pour lui) ou avec Lisa dans sa prison, nous faisant occulter les invraisemblances du scénario et des moyens pour nous concentrer sur la force et la vraisemblance des motivations. Et pour que nous y croyions il fallait un acteur de la dimension de Vincent Lindon.  Vincent Lindon et qui d’autre ? Je ne vois pas. Je ne vois pas tellement le mélange de force et de fragilité, de détermination et de folie qu’il dégage pour ce rôle, qui occupe, consume, magnétise l’écran et notre attention, tellement le personnage qu’il incarne, à qui il donne corps (sa démarche, son dos parfois voûté ou au contraire droit menaçant, ses regards évasifs ou fous mais suffisamment nuancés dans l’un et l’autre cas ) et vie semblent ne pouvoir appartenir à aucun autre. Je ne vois pas qui d’autre aurait pu rendre crédible ce personnage et continuer à nous le rendre sympathique, du moins excusable, malgré tout.

    L’intrigue va à l’essentiel : la détermination furieuse, parfois aveugle, de Julien (à l’image de la surdité de la justice vis-à-vis de Lisa). Le scénario est épuré comme les murs d’une prison. Ce qui ne veut pas dire que le style est dénué d’émotion. Au contraire. Il la suscite sans la forcer. En nous montrant cet homme seul, fragilisé, aux forces décuplées. En nous montrant cet homme lui aussi dans une prison, celle de la caméra, celle de sa folie amoureuse (pléonasme ou antithèse : à vous de voir), celle de son incommunicabilité de sa douleur (avec son père, Olivier Perrier, parfait dans la retenue et la froideur). La relation paternelle est aussi au centre de l’histoire. Ce sont aussi deux pères qui vont très loin par amour. A leur manière.

    La musique, irréprochable ( de Klaus Badelt, qui a notamment travaillé avec Terrence Malick et Micheal Mann) ajoute ce qu’il faut quand il faut pour accroître la tension, déjà palpable.

    Au final, un thriller sentimental que la force de l’interprétation, magistrale, de son acteur principal (« Pour elle » vaut donc le déplacement, ne serait-ce que pour lui à qui le film doit de captiver, capturer notre attention et empathie), la vigueur, le rythme et l’intelligence du montage rendent haletant, nous faisant oublier les invraisemblances du scénario, croire et excuser toutes les folies auxquelles son amour (le, les) conduit.  Un premier long particulièrement prometteur…

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  • Critique - "Mademoiselle Chambon" de Stéphane Brizé, à ne pas manquer, mardi sur Canal+

    Mardi soir, à 20H50, sur Canal plus, ne manquez pas "Mademoiselle Chambon" de Stéphane Brizé, un des meilleurs films de l'anne 2009 dont vous pouvez retrouver ma critique ci-dessous.

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    Cela pourrait se résumer en une phrase : Jean (Vincent Lindon), maçon, bon mari et père de famille, croise la route de la maîtresse d'école de son fils, Mademoiselle Chambon (Sandrine Kiberlain) ;  leurs sentiments réciproques vont s'imposer à eux. Enfin non, justement, cela ne se résume pas en une phrase parce que tout ce qui importe ici réside ailleurs que dans les mots, même si ce film est inspiré de ceux du roman d'Eric Holder.

    Les mots sont impuissants à exprimer cette indicible évidence. Celle d'un regard qui affronte, esquive, tremble, vacille imperceptiblement. Celle d'une lèvre dont un rictus trahit un trouble ou une blessure. Celle d'une rencontre improbable mais impérieuse. Entre un homme qui ne sait pas manier les mots (la preuve, c'est son fils qui lui apprend ce qu'est le complément d'objet direct) et vit du travail de ses mains et une femme dont c'est le métier que de manier les mots, les apprendre. Lui construit des maisons, elle déménage sans cesse. Lui est ancré dans la terre, elle est évanescente. Il a un prénom, elle est avant tout mademoiselle. Lui a un lien douloureux et charnel avec son père, ses parents à elle ne lui parlent que par téléphone interposé et pour lui faire l'éloge de sa sœur. Et pourtant, et justement : l'évidence.  La musique va alors devenir le langage qui va cristalliser leurs émotions, et les sanglots longs des violons (pas de l'automne, comme ceux de Verlaine, mais ici du printemps, avec une langueur plus mélancolique que monotone) exprimer la violence de leurs irrépressibles sentiments.

    Comme dans le magnifique « Je ne suis pas là pour être aimé »,  on retrouve cette tendre cruauté et cette description de la province, glaciale et intemporelle. Ces douloureux silences. Cette sensualité dans les gestes chorégraphiés, déterminés et maladroits. Cette révolte contre la lancinance de l'existence. Et ce choix face au destin. Cruel. Courageux ou lâche. (Magnifique scène de la gare dont la tension exprime le combat entre ces deux notions, la vérité étant finalement, sans doute, au-delà, et par un astucieux montage, Stéphane Brizé en exprime toute l'ambivalence, sans jamais juger ses personnages...). On retrouve aussi cet humour caustique et cette mélancolie grave, notamment dans la scène des pompes funèbres qui résume toute la tendresse et la douleur sourdes d'une existence et qui fait écho à celle de la maison de retraite dans « Je ne suis pas là pour être aimé. »

     Mais ce film ne serait pas ce petit bijou de délicatesse sans l'incroyable présence de ses acteurs principaux, Vincent Lindon (récemment déjà magistral dans "Welcome" et "Pour elle") d'abord, encore une fois phénoménal, aussi crédible en maçon ici qu'en avocat ailleurs. Son mélange de force et de fragilité, de certitudes et de fêlures, sa façon maladroite et presque animale de marcher, de manier les mots, avec parcimonie, sa manière gauche de tourner les pages ou la manière dont son dos même se courbe et s'impose, dont son regard évite ou affronte : tout en lui nous faisant oublier l'acteur pour nous mettre face à l'évidence de ce personnage.  Et puis Sandrine Kiberlain, rayonnante, lumineuse, mais blessée qui parvient à faire passer l'émotion sans jamais la forcer. Aure Atika, qui interprète ici l'épouse de Vincent Lindon, est, quant à elle, absolument méconnaissable, et d'une sobriété remarquable et étonnante. Sans doute faut-il aussi une direction d'acteurs d'une précision, d'une sensibilité rares pour arriver à une telle impression d'évidence et de perfection ( la preuve, les seconds rôles sont d'ailleurs tout aussi parfaits).

    Une histoire simple sur des gens simples que Stéphane Brizé (avec la complicité de Florence Vignon, déjà co-scénariste du très beau « Le bleu des villes ») compose avec dignité  dans un film épuré, sensible qui fait de ses personnages des héros du quotidien emprisonnés dans un fier et douloureux silence (résumé par le dernier plan d'une belle luminosité derrière les barreaux d'une fenêtre ). Un film qui, encore une fois, rappelle le cinéma de Claude Sautet (notamment par l'utilisation du violon et de la musique comme éléments cristallisateurs qui rappellent « Un cœur en hiver » mais aussi par la sublimation d'une « histoire simple ») qui, tout en « faisant aimer la vie » et la poésie des silences, en souligne toute la quotidienne et silencieuse beauté, cruelle et dévastatrice.

  • "Welcome" de Philippe Lioret, ce soir, à 20H50, sur Canal+

    Ce soir, Canal plus, à 20H50 diffuse "Welcome", le film de Philippe Lioret reparti bredouille des César malgré ses 10 nominations. Ma critique, ci-dessous (publiée lors de la sortie du film en salles):

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    Pour impressionner et reconquérir sa femme Marion (Audrey Dana), Simon (Vincent Lindon), maître nageur à la piscine de Calais (là où des centaines d’immigrés clandestins tentent de traverser pour rejoindre l’Angleterre, au péril de leur vie)  prend le risque d’aider en secret un jeune réfugié kurde, Bilal (Firat Ayverdi) qui tente lui-même de traverser la Manche pour rejoindre la jeune fille dont il est amoureux, Mina (Dira Ayverdi).

     

    Cela faisait un peu plus d’un an que j’attendais la sortie de ce film, depuis que Philippe Lioret l’avait évoqué avec un enthousiasme débordant lors du Salon du Cinéma 2008… Alors ? Alors…

     

    La première demi-heure, intense, âpre, au style documentaire  suit au plus près Bilal ( au plus près de son visage, de ses émotions, de sa douleur, de ses peurs)  et nous embarque d’emblée dans son parcours périlleux. Il nous embarque et il conquiert dès les premières minutes notre empathie, notre révolte aussi contre une situation inhumaine, encore à ce jour insoluble, mais contre laquelle se battent des bénévoles comme Audrey tandis que d’autres préfèrent fermer les yeux comme Simon. La réalité sociale sert ensuite de toile de fond lorsqu’apparaît Simon, et avec son apparition c’est le documentaire qui cède le pas à la fiction.

     

    Jusqu’où iriez-vous par amour ? Tel était le slogan du précèdent film dans lequel jouait Vincent Lindon : « Pour elle ». Tel pourrait aussi être celui de « Welcome ». Ce n’est, au début, pas vraiment par altruisme qu’agit Simon mais plutôt avec l’intention d’impressionner Marion, de lui prouver qu’il n’est pas comme eux, comme ceux qui baissent la tête au lieu d’agir, comme ceux qui font éclater ou  renaître un racisme latent et peu glorieux qui rappelle de tristes heures, et qui rappelle aux étrangers qu’ils sont tout sauf « welcome ».

     

     Peu à peu Bilal,  son double,  va ébranler les certitudes de Simon, Simon qui se réfugiait dans l’indifférence, voire l’hostilité, aux étrangers qu’il croisait pourtant tous les jours. L’un fait face à son destin. L’autre lui a tourné le dos. L’un a été champion de natation, mais n’a pas réalisé ses rêves. L’autre rêve de devenir champion de football. Mais l’un et l’autre sont prêts à tout pour reconquérir ou retrouver la femme qu’ils aiment. L’un et l’autre vont s’enrichir mutuellement: Simon va enseigner  la natation à Bilal, et Bilal va lui à ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour de lui.

     

    Le film doit beaucoup à l’interprétation de Vincent Lindon (toujours aussi exceptionnel), tout en violence et sensibilité, en force et fragilité. Il manie et allie les contradictions et les ambiguïtés de son personnage avec un talent époustouflant,  faisant rapidement oublier ces  déstabilisantes minutes de changement de ton et de passage du style documentaire à la fiction (ce parti pris initial de documentaire aurait peut-être été plus intéressant, mais nous aurait  certes privés de l’incroyable prestation de Vincent Lindon et aurait aussi privé le film d’un certain nombre de spectateurs). L’interprétation du jeune Firat Ayverdi  et des   autres acteurs, également non professionnels, est  elle aussi  troublante de justesse et contribue à la force du film.

     

    Philippe Lioret a coécrit le scénario avec Emmanuel Courcol, Olivier Adam (avec lequel il avait déjà coécrit « Je vais bien, ne t’en fais pas »),   un scénario d’ailleurs parfois un peu trop écrit donnant lieu à quelques invraisemblances (en contradiction avec l’aspect engagé du film et la réalité de  sa toile de fond) qui tranche avec l’aspect documentaire du début ( histoire de la bague un peu téléphonée) mais permet aussi de souligner certaines réalités par des détails qu’un documentaire n’aurait pas forcément pu saisir (quoique) comme cette annonce d’une avalanche aux informations et de ses quelques victimes qui semblent alors disproportionnées face à cette autre réalité passée sous silence, comme ce marquage, s'il est réel, absolument insoutenable et intolérable.

     

    La photographie aux teintes grisâtres et la mise en scène appliquée de Philippe Lioret s’efface devant son sujet, devant ses personnages surtout, toujours au centre de l’image, souvent en gros plan, ou du moins en donnant l’impression tant ils existent et accrochent notre regard.

     

    Peut-être aurait-il été encore plus judicieux que cette réalisation  soit empreinte de la même rage et de la même tension que ceux dont elle retrace l’histoire, et peut-être est-ce ce qui manque à ce film aux accents loachiens pour qu’il ait la saveur d'un film de Loach. Peut-être aussi est-ce la raison pour laquelle je suis finalement restée sur la rive.  Sans doute est-ce lié à l’attente suscitée depuis plus d’un an par ce film mais plus certainement encore par le souvenir indélébile, forcément plus viscéral et plus âpre, plus marquant parce que réel,  de centaines de clandestins, dans un autre port, dans un autre pays, mais si semblables, sans doute ce souvenir de la réalité d’une souffrance inouïe soudainement sous mes yeux et si tangible prise en pleine face m’a -t-il réellement et  autrement fait prendre conscience de cette douloureuse et insoutenable réalité: chaque visage (souvent très très jeune) entrevu alors portant sur lui, à la fois si pareillement et si différemment,  la trace d’une longue et inconcevable route, d’une histoire  douloureuse, d’une détermination inébranlable, d’un pays pour lui inhospitalier, inique ou en guerre et à quel point la réalité du pays qu’ils ont quittée devait être violente et insupportable pour qu’ils aient le courage et/ou l’unique issue de prendre tous ces risques et de se confronter à la réalité de pays qui ne souhaitent ou du moins ne savent pas forcément davantage  les accueillir et panser leurs plaies.

     

    Philippe Lioret, par ce film indéniablement engagé, a le mérite de mettre en lumière une part d’ombre de la société française, et plus largement de violentes et flagrantes disparités mondiales. Le film en est à sa cinquième semaine d’exploitation et prouve ainsi que le public ne s’intéresse pas seulement aux comédies formatées que les diffuseurs s’acharnent à lui proposer et que l’âpreté d’un sujet, pourvu qu’il soit traité avec sensibilité et intelligence, pouvait aussi susciter son intérêt et le faire se déplacer en nombre. Alors à quand « Welcome » à 20H30 sur TF1 ? Il n’est pas interdit de rêver…

     

    Sandra.M

  • Rencontrez Vincent Lindon au Forum des Images

    welcome.jpgLe prochain débat organisé par les étudiants de mon ancien Master, le master en scénario, réalisation et production de l'Université de Paris 1, le jeudi 11 février, à 19h30,  au Forum des images, aura comme invités  Vincent Lindon et son agent, Claire Blondel.   Ce débat a lieu dans le cadre des "Caméras subjectives", cycle de rencontres qui ont pour thème cette année : "scénario, mon beau souci". L'idée est de demander à des cinéastes, à des comédiens, à des producteurs, quels sont leurs rapports aux scénarios.   Vincent Lindon évoquera le choix des films auxquels il accepte de participer et comment il aborde la lecture des scénarios qui lui sont proposés.   L'entrée est gratuite, dans la limite des places disponibles.  

    Articles liés à celui-ci:

    Ma critique de "Welcome" de Philippe Lioret

    Ma critique de "Melle Chambon" de Stéphane Brizé

    Ma critique de "Pour elle" de Fred Cavayé

    Lien permanent Imprimer Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) Pin it! 0 commentaire
  • La liste complète et commentée des nominations pour les César 2010: "Un Prophète" grand favori

    césar23.jpgNous savions déjà qu'un César d'honneur serait remis à Harrison Ford par Sigourney Weaver et que la cérémonie serait présentée par Gad Elmaleh et Valérie Lemercier.

    Voici la liste complète et définitive des nommés pour cette édition 2010 des César qui sera présidée par Marion Cotillard. Vous pourrez bien entendu, comme l'an passé, suivre les César en direct sur inthemooodforcinema.com commentés minute par minute... à moins que je ne sois à nouveau présente à la cérémonie, le 27 février prochain.

    Quelques remarques en vrac avant de vous parler à nouveau de cette liste de nommés et de mes choix et pronostics:

    Deux acteurs sont nommés deux fois: François Cluzet, dans la catégorie meilleur acteur pour "A l'Origine" et pour "Le dernier pour la route" (je n'ai vu que le premier dans lequel il est en effet extraordinaire) et Tahar Rahim comme meilleur acteur pour "Un Prophète" et comme meilleur jeune espoir masculin pour "Un Prophète", là aussi deux nominations justifiées qui succèdent déjà à une longue liste de nominations et de prix (notamment le prix Lumières). Il est par ailleurs étonnant que Vincent Lindon n'ait pas également été nommé 2 fois: pour "Welcome" certes pour lequel il est nommé mais aussi pour "Melle Chambon".

    Isabelle Adjani qui vient de recevoir le prix Lumières du cinéma 2009 (voir ma vidéo en cliquant ici) est de nouveau nommée comme meilleur actrice, un César qu'elle a par ailleurs déjà obtenu 4 fois. Face à elle notamment Sandrine Kiberlain, formidable "Melle Chambon" et Kristin Scott-Thomas inoubliable dans "Partir".

    Joeystarr fait son apparition par la grande porte dans l'univers du 7ème art avec une nomination comme meilleur second rôle pour "Le bal des actrices" notamment face à Benoït Poelvoorde dans "Coco avant Chanel" (dont il est le grand atout) et Niels Arestrup dans "Un Prophète".

    Aure Atika, stupéfiante de sobriété et naturel, est, à juste titre, nommée pour le César du meilleur second rôle féminin dans "Melle Chambon".

    Pour le scénario original on retrouve "Un Prophète", "Welcome", "A l'origine", "Le Concert", "La journée de la jupe" et pour l'adaptation notamment "Melle Chambon", petit bijou d'écriture tout en délicatesse et non dits.

    Pour la photographie, on retrouve notamment l'indétrônable Eric Gautier pour la (il est vrai) sublime  photographie des "Herbes folles" d'Alain Resnais.

    Jacques Audiard, Lucas Belvaux, Philippe Lioret, Xavier Giannoli, Radu Mihaileanu se disputeront le César du meilleur réalisateur.

    Dans la catégorie meilleur documentaire, on retrouve avec plaisir "L'Enfer d'Henri Georges Clouzot" qui devra malheureusement affronter "Home" de Yann Arthus-Bertrand dont le sujet d'actualité risque fort de l'emporter sur la qualité cinématographique.

    Pour le César du meilleur film étranger, encore une nomination pour "Le Ruban blanc" notamment face à "Gran Torino", "Slumdog millionaire" et ... "Avatar".

    Enfin pour le meilleur film, le choix se fera entre : Rapt, Welcome, Un Prophète, Les herbes folles, la Journée de la jupe, Le Concert, A l'Origine...

    Je regrette l'absence de "Je l'aimais" de Zabou Breitman qui pour moi reste LE film français de cette année 2009 et qui aurait au moins mérité une nomination pour la meilleure adaptation et pour Daniel Auteuil dans la catégorie meilleur acteur. Reste une seule nomination: Florence Loiret -Caille. Etonnante également l'absence de Reda Kateb qui aurait pu être nommé comme meilleur jeune espoir pour deux films ("Un Prophète" et "Qu'un seul tienne et les autres suivront"). Etonnante enfin l'absence de "Le père de mes enfants" de Mia Hansen-Love.

    Sans surprise, "Un Prophète" est en tête avec 13 nominations. Je me réjouis également des 11 nominations pour "A l'origine", des 4 pour "Rapt" et des 3 pour "Melle Chambon". Incontournable des César, Alain Resnais et son équipe totalisent 4 nominations pour "Les Herbes folles" dont celle de meilleur film. Parmi les surprises: la nomination de "La journée de la jupe" comme meilleur film. A noter également: les 6 nominations pour "Le Concert" dont celles de meilleur film et de meilleur réalisateur (cliquez ici pour voir mes vidéos et lire mon compte rendu de son avant-première exceptionnelle.)  "Welcome" totalise 10 nominations.

    Remarquons enfin qu'il n'y aura pas de César de la comédie comme il y en a un temps été question...

    Les critiques de la plupart des films nommés figurent sur inthemoodforcinema.com . Pour les retrouver facilement tapez leurs noms dans "Recherchez" (colonne de gauche du blog) ou cliquez sur leurs titres dans la rubrique "Les films de 2009 à ne pas manquer" (colonne de gauche du blog également). Je vous reparle de tout cela très prochainement...

    Meilleur Acteur

    YVAN ATTAL dans Rapt

    FRANÇOIS CLUZET dans A l'Origine

    FRANÇOIS CLUZET dans Le dernier pour la route

    VINCENT LINDON dans Welcome

    TAHAR RAHIM dans Un prophète

    Meilleure Actrice

    ISABELLE ADJANI dans La journée de la jupe

    DOMINIQUE BLANC dans L'autre

    SANDRINE KIBERLAIN dans Mademoiselle Chambon

    KRISTIN SCOTT THOMAS dans Partir

    AUDREY TAUTOU dans Coco avant Chanel

    Meilleur Acteur dans un second rôle

    JEAN-HUGUES ANGLADE dans Persécution

    NIELS ARESTRUP dans Un prophète

    JOEYSTARR dans Le Bal des Actrices

    BENOIT POELVOORDE dans Coco avant Chanel

    MICHEL VUILLERMOZ dans Le dernier pour la route

    Meilleure Actrice dans un second rôle

    AURE ATIKA dans Mademoiselle Chambon

    ANNE CONSIGNY dans Rapt

    AUDREY DANA dans Welcome

    EMMANUELLE DEVOS dans A l'Origine

    NOÉMIE LVOVSKY dans Les beaux gosses

    Meilleur Espoir Masculin

    FIRAT AYVERDI dans Welcome

    ADEL BENCHERIF dans Un prophète

    VINCENT LACOSTE dans Les beaux gosses

    TAHAR RAHIM dans Un prophète

    VINCENT ROTTIERS dans Je suis heureux que ma mère soit vivante

    Meilleur Espoir Féminin

    PAULINE ETIENNE dans Qu'un seul tienne et les autres suivront

    FLORENCE LOIRET-CAILLE dans Je l'aimais

    SOKO dans A l'Origine

    CHRISTA THÉRET dans LOL (laughing out loud)

    MÉLANIE THIERRY dans Le dernier pour la route

    Meilleur Scénario Original

    JACQUES AUDIARD, THOMAS BIDEGAIN, ABDEL RAOUF DAFRI, NICOLAS PEUFAILLIT pour Un prophète

    XAVIER GIANNOLI pour A l'Origine

    JEAN-PAUL LILIENFELD pour La journée de la jupe

    PHILIPPE LIORET, EMMANUEL COURCOL, OLIVIER ADAM pour Welcome

    RADU MIHAILEANU, ALAIN-MICHEL BLANC pour Le Concert

    Meilleure Adaptation

    STÉPHANE BRIZÉ, FLORENCE VIGNON pour Mademoiselle Chambon

    ANNE FONTAINE, CAMILLE FONTAINE pour Coco avant Chanel

    PHILIPPE GODEAU, AGNÈS DE SACY pour Le dernier pour la route

    LAURENT TIRARD, GRÉGOIRE VIGNERON pour Le petit Nicolas

    ALEX RÉVAL, LAURENT HERBIET pour Les herbes folles

    Meilleure Musique

    ARMAND AMAR pour Le Concert

    ALEX BEAUPAIN pour Non ma fille, tu n'iras pas danser

    ALEXANDRE DESPLAT pour Un prophète

    CLIFF MARTINEZ pour A l'Origine

    NICOLA PIOVANI pour Welcome

    Meilleur Son

    PIERRE EXCOFFIER, BRUNO TARRIÈRE, SÉLIM AZZAZI pour Le Concert

    PIERRE MERTENS, LAURENT QUAGLIO, ERIC TISSERAND pour Welcome

    FRANÇOIS MUSY, GABRIEL HAFNER pour A l'Origine

    BRIGITTE TAILLANDIER, FRANCIS WARGNIER, JEAN-PAUL HURIER pour Un prophète

    JEAN UMANSKY, GÉRARD HARDY, VINCENT ARNARDI pour Micmacs à tire-larigot

    Meilleurs Décors

    MICHEL BARTHÉLEMY pour Un prophète

    ALINE BONETTO pour Micmacs à tire-larigot

    MAAMAR ECH CHEIKH pour OSS 117 Rio ne répond plus...

    FRANÇOIS-RENAUD LABARTHE pour A l'Origine

    OLIVIER RADOT pour Coco avant Chanel

    Meilleurs Costumes

    CHATTOUNE & FAB pour Coco Chanel & Igor Stravinsky

    CHARLOTTE DAVID pour OSS 117 Rio ne répond plus...

    MADELINE FONTAINE pour Micmacs à tire-larigot

    CATHERINE LETERRIER pour Coco avant Chanel

    VIRGINIE MONTEL pour Un prophète

    Meilleure Photo

    CHRISTOPHE BEAUCARNE pour Coco avant Chanel

    LAURENT DAILLAND pour Welcome

    STÉPHANE FONTAINE pour Un prophète

    ÉRIC GAUTIER  pour Les herbes folles

    GLYNN SPEECKAERT pour A l'Origine

    Meilleur Montage

    CÉLIA LAFITEDUPONT pour A l'Origine

    HERVÉ DE LUZE pour Les herbes folles

    ANDRÉA SEDLACKOVA pour Welcome

    LUDO TROCH pour Le Concert

    JULIETTE WELFLING pour Un prophète

    Meilleur Réalisateur

    JACQUES AUDIARD pour Un prophète

    LUCAS BELVAUX pour Rapt

    XAVIER GIANNOLI pour A l'Origine

    PHILIPPE LIORET pour Welcome

    RADU MIHAILEANU pour Le Concert

    Meilleur Court Métrage

    C'est gratuit pour les filles réalisé par Claire Burger et Marie Amachoukeli

    ¿Dónde está Kim Basinger? réalisé par Edouard Deluc

    La raison de l'autre réalisé par Foued Mansour

    Séance familiale réalisé par Cheng-Chui Kuo

    Les Williams réalisé par Alban Mench

    Meilleur Premier Film

    Les beaux gosses réalisé par Riad Sattouf produit par Anne-Dominique Toussaint

    Le dernier pour la route réalisé par Philippe Godeau produit par Philippe Godeau

    Espion(s) réalisé par Nicolas Saada produit par Michaël Gentile

    La première étoile réalisé par Lucien Jean-Baptiste produit par Marie-Castille Mention Schaar et Pierre Kubel

    Qu'un seul tienne et les autres suivront réalisé par Léa Fehner produit par Jean-Michel Rey et Philippe Liégeois

    Meilleur Film Documentaire

    L'enfer d' Henri-Georges Clouzot réalisé par Serge Bromberg et Ruxandra Medrea

    La danse, le ballet de l'Opéra de Paris réalisé par Frederick Wiseman

    Himalaya, le chemin du ciel réalisé par Marianne Chaud

    Home réalisé par Yann-Arthus Bertrand

    Ne me libérez pas je m'en charge réalisé par Fabienne Godet

    Meilleur Film Etranger

    Avatar réalisé par James Cameron

    Gran Torino réalisé par Clint Eastwood

    Harvey Milk réalisé par Gus Van Sant

    J'ai tué ma mère réalisé par Xavier Dolan

    Panique au village réalisé par Stéphane Aubier et Vincent Patar

    Le ruban blanc réalisé par Michael Haneke

    Slumdog millionaire réalisé par Danny Boyle

    Meilleur Film

    A l'Origine produit par Edouard Weil et Pierre-Ange Le Pogam réalisé par Xavier Giannoli

    Le Concert produit par Alain Attal réalisé par Radu Mihaileanu

    Les herbes folles produit par Jean-Louis Livi réalisé par Alain Resnais

    La journée de la jupe produit par Bénédicte Lesage et Ariel Askénazi réalisé par Jean-Paul Lilienfeld

    Rapt produit par Patrick Sobelman, Diana Elbaum et Sébastien Delloye réalisé par Lucas Belvaux

    Un prophète produit par Pascal Caucheteux, Grégoire Sorlat et Marco Cherqui réalisé par Jacques Audiard

    Welcome produit par Christophe Rossignon réalisé par Philippe Lioret

  • « Mademoiselle Chambon » de Stéphane Brizé avec Sandrine Kiberlain, Vincent Lindon, Aure Atika…

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    Cela pourrait se résumer en une phrase : Jean (Vincent Lindon), maçon, bon mari et père de famille, croise la route de la maîtresse d'école de son fils, Mademoiselle Chambon (Sandrine Kiberlain) ;  leurs sentiments réciproques vont s'imposer à eux. Enfin non, justement, cela ne se résume pas en une phrase parce que tout ce qui importe ici réside ailleurs que dans les mots, même si ce film est inspiré de ceux du roman d'Eric Holder.

    Les mots sont impuissants à exprimer cette indicible évidence. Celle d'un regard qui affronte, esquive, tremble, vacille imperceptiblement. Celle d'une lèvre dont un rictus trahit un trouble ou une blessure. Celle d'une rencontre improbable mais impérieuse. Entre un homme qui ne sait pas manier les mots (la preuve, c'est son fils qui lui apprend ce qu'est le complément d'objet direct) et vit du travail de ses mains et une femme dont c'est le métier que de manier les mots, les apprendre. Lui construit des maisons, elle déménage sans cesse. Lui est ancré dans la terre, elle est évanescente. Il a un prénom, elle est avant tout mademoiselle. Lui a un lien douloureux et charnel avec son père, ses parents à elle ne lui parlent que par téléphone interposé et pour lui faire l'éloge de sa sœur. Et pourtant, et justement : l'évidence.  La musique va alors devenir le langage qui va cristalliser leurs émotions, et les sanglots longs des violons (pas de l'automne, comme ceux de Verlaine, mais ici du printemps, avec une langueur plus mélancolique que monotone) exprimer la violence de leurs irrépressibles sentiments.

    Comme dans le magnifique « Je ne suis pas là pour être aimé »,  on retrouve cette tendre cruauté et cette description de la province, glaciale et intemporelle. Ces douloureux silences. Cette sensualité dans les gestes chorégraphiés, déterminés et maladroits. Cette révolte contre la lancinance de l'existence. Et ce choix face au destin. Cruel. Courageux ou lâche. (Magnifique scène de la gare dont la tension exprime le combat entre ces deux notions, la vérité étant finalement, sans doute, au-delà, et par un astucieux montage, Stéphane Brizé en exprime toute l'ambivalence, sans jamais juger ses personnages...). On retrouve aussi cet humour caustique et cette mélancolie grave, notamment dans la scène des pompes funèbres qui résume toute la tendresse et la douleur sourdes d'une existence et qui fait écho à celle de la maison de retraite dans « Je ne suis pas là pour être aimé. »

     Mais ce film ne serait pas ce petit bijou de délicatesse sans l'incroyable présence de ses acteurs principaux, Vincent Lindon (récemment déjà magistral dans "Welcome" et "Pour elle") d'abord, encore une fois phénoménal, aussi crédible en maçon ici qu'en avocat ailleurs. Son mélange de force et de fragilité, de certitudes et de fêlures, sa façon maladroite et presque animale de marcher, de manier les mots, avec parcimonie, sa manière gauche de tourner les pages ou la manière dont son dos même se courbe et s'impose, dont son regard évite ou affronte : tout en lui nous faisant oublier l'acteur pour nous mettre face à l'évidence de ce personnage.  Et puis Sandrine Kiberlain, rayonnante, lumineuse, mais blessée qui parvient à faire passer l'émotion sans jamais la forcer. Aure Atika, qui interprète ici l'épouse de Vincent Lindon, est, quant à elle, absolument méconnaissable, et d'une sobriété remarquable et étonnante. Sans doute faut-il aussi une direction d'acteurs d'une précision, d'une sensibilité rares pour arriver à une telle impression d'évidence et de perfection ( la preuve, les seconds rôles sont d'ailleurs tout aussi parfaits).

    Une histoire simple sur des gens simples que Stéphane Brizé (avec la complicité de Florence Vignon, déjà co-scénariste du très beau « Le bleu des villes ») compose avec dignité  dans un film épuré, sensible qui fait de ses personnages des héros du quotidien emprisonnés dans un fier et douloureux silence (résumé par le dernier plan d'une belle luminosité derrière les barreaux d'une fenêtre ). Un film qui, encore une fois, rappelle le cinéma de Claude Sautet (notamment par l'utilisation du violon et de la musique comme éléments cristallisateurs qui rappellent « Un cœur en hiver » mais aussi par la sublimation d'une « histoire simple ») qui, tout en « faisant aimer la vie » et la poésie des silences, en souligne toute la quotidienne et silencieuse beauté, cruelle et dévastatrice.

     Un film, vous l'aurez compris, vivement recommandé par Inthemoodforcinema.com .

  • « Welcome » de Philippe Lioret avec Vincent Lindon, Firat Ayverdi, Audrey Dana…: critique du film

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    Pour impressionner et reconquérir sa femme Marion (Audrey Dana), Simon (Vincent Lindon), maître nageur à la piscine de Calais (là où des centaines d’immigrés clandestins tentent de traverser pour rejoindre l’Angleterre, au péril de leur vie)  prend le risque d’aider en secret un jeune réfugié kurde, Bilal (Firat Ayverdi) qui tente lui-même de traverser la Manche pour rejoindre la jeune fille dont il est amoureux, Mina (Dira Ayverdi).

     

    Cela faisait un peu plus d’un an que j’attendais la sortie de ce film, depuis que Philippe Lioret l’avait évoqué avec un enthousiasme débordant lors du Salon du Cinéma 2008… Alors ? Alors…

     

    La première demi-heure, intense, âpre, au style documentaire  suit au plus près Bilal ( au plus près de son visage, de ses émotions, de sa douleur, de ses peurs)  et nous embarque d’emblée dans son parcours périlleux. Il nous embarque et il conquiert dès les premières minutes notre empathie, notre révolte aussi contre une situation inhumaine, encore à ce jour insoluble, mais contre laquelle se battent des bénévoles comme Audrey tandis que d’autres préfèrent fermer les yeux comme Simon. La réalité sociale sert ensuite de toile de fond lorsqu’apparaît Simon, et avec son apparition c’est le documentaire qui cède le pas à la fiction.

     

    Jusqu’où iriez-vous par amour ? Tel était le slogan du précèdent film dans lequel jouait Vincent Lindon : « Pour elle ». Tel pourrait aussi être celui de « Welcome ». Ce n’est, au début, pas vraiment par altruisme qu’agit Simon mais plutôt avec l’intention d’impressionner Marion, de lui prouver qu’il n’est pas comme eux, comme ceux qui baissent la tête au lieu d’agir, comme ceux qui font éclater ou  renaître un racisme latent et peu glorieux qui rappelle de tristes heures, et qui rappelle aux étrangers qu’ils sont tout sauf « welcome ».

     

     Peu à peu Bilal,  son double,  va ébranler les certitudes de Simon, Simon qui se réfugiait dans l’indifférence, voire l’hostilité, aux étrangers qu’il croisait pourtant tous les jours. L’un fait face à son destin. L’autre lui a tourné le dos. L’un a été champion de natation, mais n’a pas réalisé ses rêves. L’autre rêve de devenir champion de football. Mais l’un et l’autre sont prêts à tout pour reconquérir ou retrouver la femme qu’ils aiment. L’un et l’autre vont s’enrichir mutuellement: Simon va enseigner  la natation à Bilal, et Bilal va lui à ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour de lui.

     

    Le film doit beaucoup à l’interprétation de Vincent Lindon (toujours aussi exceptionnel), tout en violence et sensibilité, en force et fragilité. Il manie et allie les contradictions et les ambiguïtés de son personnage avec un talent époustouflant,  faisant rapidement oublier ces  déstabilisantes minutes de changement de ton et de passage du style documentaire à la fiction (ce parti pris initial de documentaire aurait peut-être été plus intéressant, mais nous aurait  certes privés de l’incroyable prestation de Vincent Lindon et aurait aussi privé le film d’un certain nombre de spectateurs). L’interprétation du jeune Firat Ayverdi  et des   autres acteurs, également non professionnels, est  elle aussi  troublante de justesse et contribue à la force du film.

     

    Philippe Lioret a coécrit le scénario avec Emmanuel Courcol, Olivier Adam (avec lequel il avait déjà coécrit « Je vais bien, ne t’en fais pas »),   un scénario d’ailleurs parfois un peu trop écrit donnant lieu à quelques invraisemblances (en contradiction avec l’aspect engagé du film et la réalité de  sa toile de fond) qui tranche avec l’aspect documentaire du début ( histoire de la bague un peu téléphonée) mais permet aussi de souligner certaines réalités par des détails qu’un documentaire n’aurait pas forcément pu saisir (quoique) comme cette annonce d’une avalanche aux informations et de ses quelques victimes qui semblent alors disproportionnées face à cette autre réalité passée sous silence, comme ce marquage, s'il est réel, absolument insoutenable et intolérable.

     

    La photographie aux teintes grisâtres et la mise en scène appliquée de Philippe Lioret s’efface devant son sujet, devant ses personnages surtout, toujours au centre de l’image, souvent en gros plan, ou du moins en donnant l’impression tant ils existent et accrochent notre regard.

     

    Peut-être aurait-il été encore plus judicieux que cette réalisation  soit empreinte de la même rage et de la même tension que ceux dont elle retrace l’histoire, et peut-être est-ce ce qui manque à ce film aux accents loachiens pour qu’il ait la saveur d'un film de Loach. Peut-être aussi est-ce la raison pour laquelle je suis finalement restée sur la rive.  Sans doute est-ce lié à l’attente suscitée depuis plus d’un an par ce film mais plus certainement encore par le souvenir indélébile, forcément plus viscéral et plus âpre, plus marquant parce que réel,  de centaines de clandestins, dans un autre port, dans un autre pays, mais si semblables, sans doute ce souvenir de la réalité d’une souffrance inouïe soudainement sous mes yeux et si tangible prise en pleine face m’a -t-il réellement et  autrement fait prendre conscience de cette douloureuse et insoutenable réalité: chaque visage (souvent très très jeune) entrevu alors portant sur lui, à la fois si pareillement et si différemment,  la trace d’une longue et inconcevable route, d’une histoire  douloureuse, d’une détermination inébranlable, d’un pays pour lui inhospitalier, inique ou en guerre et à quel point la réalité du pays qu’ils ont quittée devait être violente et insupportable pour qu’ils aient le courage et/ou l’unique issue de prendre tous ces risques et de se confronter à la réalité de pays qui ne souhaitent ou du moins ne savent pas forcément davantage  les accueillir et panser leurs plaies.

     

    Philippe Lioret, par ce film indéniablement engagé, a le mérite de mettre en lumière une part d’ombre de la société française, et plus largement de violentes et flagrantes disparités mondiales. Le film en est à sa cinquième semaine d’exploitation et prouve ainsi que le public ne s’intéresse pas seulement aux comédies formatées que les diffuseurs s’acharnent à lui proposer et que l’âpreté d’un sujet, pourvu qu’il soit traité avec sensibilité et intelligence, pouvait aussi susciter son intérêt et le faire se déplacer en nombre. Alors à quand « Welcome » à 20H30 sur TF1 ? Il n’est pas interdit de rêver…

     

    Sandra.M

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2008 Pin it! 2 commentaires